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Le Sénat, institution dépassée ou toujours d’actualité?

Abrité au sein du palais du Luxembourg, le Sénat constitue avec l’Assemblée
nationale le Parlement ; cette dualité porte un nom, le bicaméralisme. Néanmoins,
l’action des sénateurs reste bien moins connue que celle de leurs confrères députés,
plus proche du peuple et bien plus médiatisés. De plus, à cause d’un mode de
suffrage indirect, certains s’interrogent aujourd’hui sur la légitimité du Sénat.

Qu’est-ce que le Sénat ?
Le Sénat tel que nous le connaissons actuellement descend du Conseil de la
République. Son mode de fonctionnement a été revu en 2003, pour porter par
exemple le mandat sénatorial a six ans. Les 348 sénateurs sont renouvelés par
moitié tous les trois ans. Cette chambre parlementaire a pour vocation de
« représenter les collectivités territoriales de la République » (article 24 de la
Constitution). C’est le collège électoral, composé des élus départementaux et
municipaux, qui élit les sénateurs. Ces 162 000 grands électeurs viennent en grande
majorité des petites villes et communes rurales, ce qui se reflète sur la couleur
politique du Sénat. Il est traditionnellement ancré à droite, d’ailleurs depuis 2014, son
président est Gérard Larcher, membre du parti Les Républicains. L’Assemblée
nationale, au contraire, voit depuis quelques années sa couleur politique s’aligner sur
celle du président de la République récemment élu, ce qui lui offre une majorité
grâce à laquelle il peut facilement gouverner. Si ce dernier peut la dissoudre, il n’a en
revanche pas le droit d’en faire de même au Sénat.

Quelle est sa place dans le système politique français ?
Du point de vue d’un observateur extérieur, le Sénat est davantage en retrait
par rapport à l’Assemblée nationale. Non seulement son mode de scrutin l’éloigne du
grand public, mais encore le renouvellement moins fréquent de ses membres fait
qu’il n’est pas aussi en phase avec les évolutions de l’opinion. De fait, ses positions
ont la réputation d’être plutôt conservatrices. C’est également la plus stable des deux
chambres, et sa mission est de réexaminer les propositions de loi avant validation
définitive par l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas négligeable. Les sénateurs
influent sur les lois, et s’ils ne trouvent pas d’accord avec les députés, la proposition
de loi s’en retrouve fortement compromise. Le blocage peut cependant être évité à la
demande du gouvernement, dans ce cas, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier
mot. Plus généralement, le Sénat a vocation à rappeler la tradition républicaine, les
valeurs et intérêts de la société. D’un autre côté, son président est le second
personnage de l’Etat : c’est lui qui remplacerait le président de la République si
besoin. Si toutes ces fonctions paraissent secondaires ou facilement gérables par
une seule et même chambre, le Sénat reste politiquement nécessaire, en évitant la
concentration des pouvoirs au sein d’un même groupe d’élus et de responsables

politiques, en apportant une contradiction face à l’Assemblée nationale, et en
assurant la représentation de la France rurale.

Faut-il réformer le Sénat ?
De nombreuses propositions ont été faites pour moderniser cette institution.
Ces dernières années, il y a eu la loi organique de juillet 2003 et la révision
constitutionnelle de 2008. Plus récemment, Emmanuel Macron a proposé de réduire
d’un tiers le nombre de parlementaires, ce qui porterait le nombre de sénateurs à
244, avant de revenir sur ses propos, et d’évoquer en 2019 le nombre de 261
sénateurs. Actuellement, des discussions autour d’un éventuel projet de réforme
constitutionnelle sont en cours. Cependant, le projet risque fort de rencontrer
l’opposition des parlementaires des deux chambres, il n’est donc pas certain qu’il
aboutisse. Une autre proposition de réforme a été évoquée en 2021 par François
Rebsamen (socialiste). Elle consisterait en une adaptation du système allemand du
Bundesrat, le Conseil fédéral représentant les 16 Länder allemands. Le Sénat
deviendrait « la chambre des collectivités locales », en étant composé d’élus locaux,
départementaux et régionaux déjà en poste, et par conséquent élus par les Français.
Cette proposition a soulevé de nombreuses oppositions dans les rangs des
sénateurs, qui craignent de voir apparaître un Sénat aux pouvoirs diminués, dont les
compétences seraient limitées aux collectivités, et qui ne jouerait plus le rôle de
contre-pouvoir face à l’Assemblée nationale.

Le Sénat apparaît ainsi comme une institution ambivalente, à la fois discrète
et proche des territoires, seconde par rapport à l’Assemblée nationale et néanmoins
influente politiquement. Mais c’est à vous, en tant que citoyen, de vous faire votre
propre avis sur la question.

C. PETIT

Sources consultées :

  • P. ARDANT, S-L FORMERY, Les institutions de la Ve République, P. 97 à 111, 15 e édition,
    Hachette Supérieur
  • S. BARBARIT, « Réforme institutionnelle : « François Rebsamen veut la mise au pas du Sénat »,
    tacle Patrick Kanner », in Public Sénat, 11 octobre 2021